Les deux quatuors avaient partagé le concert de vendredi dernier, mais la prestation du Noga avait alors été la meilleure. Hier soir, l’auditeur avait l’embarras du choix. Ces deux jeunes quatuors de très haut niveau se révèlent même supérieurs à ce qu’on entend parfois, en saison et sous des noms prestigieux, à l’une ou l’autre de nos deux sociétés de musique de chambre.Le Peresson (qui place son violoncelle derrière son premier-violon) joue d’abord un Haydn peu fréquenté, le dernier des six Quatuors op. 50, qu’il articule avec grand art. Le premier-violon a ici la part du lion et Nigel Armstrong se révèle un leader comme tous les quatuors rêvent d’en avoir. Ses trilles de l’Adagio ne sont pas absolument parfaits au premier énoncé? À la reprise du passage, ils le seront!Le déroulement de l’oeuvre entière est un miracle de synchronisation et la vitesse inhabituelle du finale en souligne l’indication con spirito.
Le Mendelssohn qui suit est le sixième et dernier quatuor du compositeur. La brochure indique «op. 80 no 6». Erreur. Cela laisse entendre qu’il y a chez Mendelssohn, comme chez Haydn, six quatuors dans cet opus, alors que l’op. 80 compte un seul quatuor. La mort plane sur ce produit de la toute dernière année du compositeur et le Peresson rend bien cette angoisse.Le Noga – français mais fixé à Berlin – ouvre sa moitié de programme avec les Fünf Sätze – Cinq Mouvements – op. 5 de Webern. Ces quelque 10 minutes de très fines recherches sonores tiennent en 10 pages fourmillant de notes et d’indications de toutes sortes. En fait, il faut un dictionnaire allemand pour jouer cette musique!La lecture du Noga est fidèle à tout ce que prescrit le compositeur. Cette exactitude constitue sans doute une interprétation valable de cette musique qui, un siècle après sa conception, reste bien rébarbative. On revient ensuite à Beethoven et aux Razoumovsky de l’op. 59. La veille, on avait entendu le premier; cette fois, c’est le deuxième. Là encore, les quatre participants se révèlent de force égale et, comme un grand interprète devant son instrument, traduisent avec une même pensée, une même émotion et un même geste la grandeur de l’univers beethovénien.(photo : Noga String Quartet, France)
Claude Gingras
/ La Presse
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